Le président vous parle… ta ta tam

Le 17 juillet, nous nous sommes retrouvés sur l’ex-Place de l’Ecole qui allait être baptisée Place Michel Riu et pour l’inauguration officielle de l’expo  « Désir de forêt ».

Une bonne centaine, villageois, bénévoles de Vill’arts en val et des invités venus des quatre coins de l’Aude. Pour cette occasion, Magali Arnaud, maire du village, vice-présidente de Carcassonne-Agglo chargée de la Culture et, (elle l’a prouvé), Chevalier des arts et des lettres depuis décembre 2019 nous a gratifié de deux discours qui ont frisé l’excellence en la matière et qui ont été salués comme il se doit, par d’enthousiastes et sincères applaudissements. Réussir à tout dire avec précision et sensibilité n’est pas à la portée de tout le monde, Magali a réussi cet exercice souvent ennuyeux, conventionnel ou ampoulé avec brio devant un auditoire sous le charme de ses mots.

Mesdames, Messieurs,
C’est un grand jour pour Villar. J’ai en effet l’honneur de célébrer ce matin deux événements : l’inauguration de la place Michel Riu et le vernissage de l’exposition « Désir de forêt ».
Dans un village de vingt habitants, tout projet que la commune souhaite mettre en œuvre, au-delà de la conviction et des énergies déployées sur place, nécessite des partenariats et des regards bienveillants de la part des collectivités territoriales et des représentants de l’état dans les territoires.
Je tiens tout d’abord à remercier ces partenaires pour leur présence à nos côtés aujourd’hui car nous incarnons ensemble devant vous le visage de la décentralisation dans ses valeurs de solidarité et, nous le verrons pour l’exposition, de démocratisation de l’art et de la culture.
Je tiens également à exprimer ma reconnaissance aux collègues élus qui œuvrent eux aussi pour leur commune, pour leur territoire et pour leurs administrés dans le seul but de servir l’intérêt général et améliorer le quotidien de chacune et de chacun.
Pour la première fois de mémoire d’élue, le conseil municipal de Villar a décidé de rendre hommage à une figure emblématique et marquante de la commune en lui dédiant un espace public : ce qui fut autrefois la cour de l’école devient aujourd’hui une Place Publique, la place Michel Riu.
Le Conseil Municipal a voulu à travers ce choix témoigner sa reconnaissance à un villarois de cœur, Michel Riu, qui depuis son installation en famille au château de Villar en 1981 n’a cessé de participer activement au développement du village et à son rayonnement.
Je remercie ses enfants et petits-enfants présents ce matin, qui perpétuent le si bel esprit de famille de Jacqueline et Michel Riu et partagent avec nous l’amour de ce coin de terre.
Il y a bien entendu Michel Riu, l’homme public que j’évoquerai en quelques mots ici, car vous le connaissez tous. Michel Riu, l’entrepreneur français, enfant de Limoux qui dans l’entreprise familiale Myrys fut celui qui choisit de « monter à Paris » comme on disait autrefois, pour développer la marque.
Michel Riu, le visionnaire et son épouse Jacqueline ont créé une marque de prêt-à-porter « Jacqueline Riu ». C’était deux ans après avoir fait l’acquisition du Château (soit dit en passant propriété achetée sur un coup de cœur, sans même la visiter et que M. Riu emporta lors d’une vente à la bougie où se trouvait également Charles Trenet…). Ils décidèrent donc d’ouvrir à Villar le premier atelier de confection, créant ainsi une dizaine d’emplois dans le Val de Dagne, tout en faisant bénéficier à la commune d’une taxe professionnelle inespérée.
Tout ceci révèle un destin peu ordinaire et Michel Riu était tout sauf un homme ordinaire. Toutefois sa plus belle réussite, m’a-t-il confié un jour, fut sa famille, ses huit enfants et ses vingt-deux petits-enfants, qu’il a su voir grandir et accompagner malgré une vie trépidante. Je crois pouvoir affirmer qu’il avait trouvé au château de Villar, un écrin, un havre de paix à la mesure de ce rêve familial.
Il aurait ainsi pu couler des jours heureux dans sa propriété privée mais Michel Riu, en homme de passion plus qu’en homme de pouvoir qu’il n’était pas – et là était toute son élégance, avait aussi rencontré dans notre village « une famille de cœur et d’Esprit », celle dont parle Joseph Delteil, comme une grande bouffée de chaleur humaine, incarnée par celui qui était le maire de Villar à l’époque, Hervé Arnaud, mon père. Ensemble ils ont accompagné les premiers pas des bergers de Villar. Ils ont parié sur ce jeune couple de bergers, Maryse et Bernard Canizares, qui à force de travail a sculpté la beauté du paysage et bâti pied à pied et dans la transmission une économie qui, avec la culture de la vigne, ne laisse aucune terre en friche et fait la fierté de notre si petit village…
Monsieur Riu aura aussi été, et c’est pourquoi nous avons souhaité le célébrer en été, l’ami bienfaiteur de toutes les grandes Deltheilleries, ce festival poétique et champêtre qui s’est tenu chaque mois d’août pendant vingt ans. Autant que nous l’avons aimé il a aimé ce temps de l’insouciance où avec la bande des copains, ici présents autour de la guinguette, nous avons eu la douce folie d’inviter de grands artistes à chanter sous les étoiles… J’y reviendrai.
Tout créer à partir de rien ; entreprendre alors qu’on se trouve au bout du monde : cela représente des mois de préparation. Monsieur Riu avait mesuré tout cela ; en témoignait son regard toujours compréhensif et bienveillant. Nous n’oublions pas tout le soutien qu’il a apporté aux « Grandes Deltheilleries » pendant plus de vingt ans, en ouvrant sa propriété aux premiers spectacles, ses cuisines pour un mémorable repas paléolithique avec le chef J.C. Rodriguez, en logeant les artistes au château, ce haut lieu patrimonial du village et en mettant à notre disposition les beaux gîtes de sa propriété pendant la période estivale et plusieurs fois par an pour les réunions de l’équipe des bénévoles.
Vous l’aurez compris nous sommes ici dans un pays qui a la mémoire longue, où même le temps va à pied.
Fidèle, fidèle pourquoi rester fidèle, chante Charles Trenet, quand tout change et sans va sans regrets, quand tel ou tel monde disparaît…?
Et bien, hors de toute mode et de tout diktat, je crois que j’ai passé ma vie et vingt-six années bientôt au service de la commune, à tenter de conjuguer tous les temps et donner une âme à ce paysage en maintenant vivantes des traces humaines remarquables ; car à l’instar du poète René Char je pense que contrairement aux preuves « seules les traces font rêver ».
Certaines traces du passé sont des traits de lumière dans le couloir souvent sombre de ce temps. La force tranquille et joviale de Monsieur Riu ne quittera pas Villar et nous continuerons à faire courir l’âme des poètes et des artistes, ici, sur cette place, dans les champs, les ruelles et les sous-bois pour que partout souffle l’esprit et la beauté : nous lui en avons fait la promesse.

Le discours à Michel Riu, la plaque, la sculpture


Suivirent de beaux témoignages remplis d’émotion lus par quelques uns et unes de ses enfants et petits-enfants, un petit mot du sculpteur Van Binh sur son ouvrage et puis après une pause buffet-boisson grâce à la guinguette, l’autre discours :

Mme la Sénatrice.
Mme la Députée.
Mme la Conseillère départementale.
M. Le Président de Carcassonne Agglo.
Mmes M. les élu.ues
Mme la Directrice du musée des Abattoirs.
Mmes et Ms. en vos grades et qualité.
Chers amis
Il faisait chaud (« il faisait chaud et vaste » aurait dit Joseph Delteil) ce bel après midi de juin 2019. Nous étions quelques unes et quelques uns à nous être retrouvés pour parler d’avenir. Certain.es d’ailleurs sont ici et se reconnaîtront.
Menant nos pas du sentier en poésie à l’atelier de Christian Bastian (où son œuvre irradiante de beauté a été un coup de cœur, un coup de tonnerre dans cette journée !), passant par l’église romane et la petite école de Villar nous avons évoqué l’aventure artistique et culturelle que nous avons rêvée et ensuite bâtie pierre à pierre pendant 30 ans à Villar autour de la figure emblématique de l’écrivain Joseph Delteil né dans les bois de la commune le 20 avril 1894.
Il y eut d’abord «La Grande Deltheillerie », festival poétique et champêtre où durant 20 ans de 1994 à 2014 nous avons rencontré et accueilli à Villar des artistes dans la veine de Delteil, libres et fraternels : Julos Beaucarne, Paco Ibanez, Souad Massi, Georges Moustaki, Graeme Allwright, Pierre Vassiliu, Bireli Lagrene, Gian Maria Testa, JeHan, Nilda Fernandez ou encore Jordi Savall….
Une aventure qui fut ponctuée en 1999 par la création du sentier en Poésie, premier sentier thématique d’intérêt départemental inauguré dans le département de l’Aude, avec l’ami Paco Ibanez.
Philippe Forcioli, à mes côtés ce matin, fut le tout premier artiste avec Mans de Breish à avoir ouvert la voie enchantée des spectacles sous les étoiles. Il a ensuite été la cheville ouvrière de ce sentier qui n’aurait jamais existé sans lui : depuis sa création, même si la route de Philippe est nomade, il veille sur le Sentier Delteil de Villar, sur ses mystères et sur sa destinée.
Mais revenons à cet après-midi de juin 2019 où est né le projet de l’exposition « Désir de forêt » en présence de Laurent Roturier alors DRAC de L’Occitanie, d’Emmanuelle Hamon et d’Aloise Vinocq qui représentaient le musée des Abattoirs.
Nous parlions d’avenir…. Et parler d’avenir ici, à Villar, surtout dans un moment de doute où, sur tous les fronts du monde et de la vie nous devons nous battre, c’est revenir à Delteil, comme à une boussole.
Revenir à la terre, à la cabane du bouscassier où naquit l’écrivain « paléolithique », « un jour de vent, sur un tas de bruyère, au soleil, face au ciel ».
Revenir à l’innocence, à l’essentiel.
Et, comme par enchantement, ce sont les peintres, que Delteil a tant admirés et qui ont illuminé sa vie (Chagall, Delaunay, Soulages), ce sont les peintres qui offrent à Villar cette renaissance après le temps de l’insouciance et des « Grandes Deltheilleries ».
Un irrésistible et nécessaire « Désir de Forêt » qui nous hisse peu à peu vers le rêve de réhabiliter la cabane de bûcheron dans les bois de Villar (où Joseph Delteil a vécu les quatre premières années de sa vie) et d’en faire une cabane d’écrivain.
Un rêve que nous élargissons à d’autres cabanes-résidences qui parsèmeraient le territoire de Villar et du Val de Dagne, ouvertes à des artistes, des poètes, des penseurs, des chercheurs qui nous accompagneraient dans notre compréhension du monde et nous envelopperaient d’un « état de poésie » qui, je le crois profondément, au milieu des changements impulsera toujours la vie.
Agir pour que les artistes ne quittent jamais l’espace public et, contrairement à ce que nous venons de vivre ces derniers mois, pour leur donner une place essentielle et définitive dans notre vie et dans le quotidien de nos administrés de 0 à 100 ans!
L’exposition « Désir de forêt » a été imaginée et construite en partenariat avec le musée des Abattoirs et les peintres de Villar, Christian Bastian et Céline Berger. Permettez-moi à cet instant de dire ici toute mon admiration pour le talent de Céline et de Christian, pour leur humilité, tellement reposante et qui est la vertu des Grands. Sans eux cette exposition n’existerait pas et je suis heureuse qu’ils aient été naturellement à l’origine du projet artistique que nous portons ensemble.
Je tiens aussi à remercier particulièrement Christophe Morellet et sa famille pour le prêt qu’ils ont bien voulu nous consentir de l’œuvre de François Morellet. Merci à eux pour leur amitié et leur confiance.
Cette exposition est une préfiguration de ce lieu à la Borie de Guillaman que nous voulons dédier aux artistes qui se reconnaîtront en Delteil, l’écrivain indomptable et généreux épris de liberté et de justice comme le furent en leur temps Withman ou encore Thoreau. Des utopistes qu’il semble urgent de faire entendre, d’écouter et de suivre aujourd’hui…
L’exposition « Désir de forêt » est émouvante par l’écrin modeste qu’elle offre aux créateurs : la petite salle de l’ancienne école de Villar où des générations d’enfants ont regardé par les grandes fenêtres la danse des nuages et celle des arbres. Voici qu’à partir d’aujourd’hui cet espace un temps délaissé va être habité pendant deux mois par des peintres et des créateurs magnifiques qui font voyager sur le tapis volant de leurs œuvres. Ils feront voyager d’abord les habitants de l’un des plus petits villages de l’Aude, et ceux de l’un des plus petits territoires de la grande agglomération de Carcassonne.
C’est à Jean-Marie Drot que je pense aujourd’hui, un ami de la Deltheillerie et de Villar, réalisateur, directeur de la Villa Médicis à Rome de 1984 à 1994, homme curieux de ce qu’il ne savait pas encore, voyageur incessant et amoureux des belles âmes qu’il côtoya tout au long de sa vie (Malraux, Balthus, Giacometti et bien sûr Joseph Delteil). Il me disait que les tableaux étaient pour lui des talismans protecteurs. C’est Jean-Marie qui m’a fait éprouver mes plus belles émotions picturales, lui qui surtout m’a confortée dans le combat de ma vie publique. J’ai retenu de lui qu’il faut avant tout éviter « les chapelles » et, parce qu’il n’y a pas de fatalité, se battre là où les services publics n’existent pas, afin qu’ils existent. Car si l’on n’y prend garde le monde de la culture risque de ne jamais atteindre la lisière des forêts. Il y a là une inégalité que cette exposition en partenariat avec un grand musée national nous permet de corriger aujourd’hui car nous pensons que les émotions que suscitent notre
dialogue intérieur avec les arts développent une épaisseur et un poids d’humanité qui rendent meilleur et construisent des citoyens éclairés à la manière dont l’entendait déjà Victor Hugo, en 1848.
Merci à vous chers partenaires, Mme la Directrice des Abattoirs (Emmanuelle Hamon Aloïse Winocq et William Gourdin avec qui ce fut un plaisir et une chance de travailler pour cette expo), la DRAC, la région, le département, l’intercommunalite. Nous avons fait ensemble un pari qu’il nous faudra sans cesse renouveler : celui d’investir dans la transmission de ce qui nous enrichit symboliquement et nous éveille.
Demain une nouvelle exposition « Désir de forêt » ira à la Fabrique des arts de Carcassonne Agglo où se noue un partenariat avec la classe préparatoire de l’Ecole des Beaux Arts, le territoire du Val de Dagne et le musée des Abattoirs. Je remercie Alain Fabre, le directeur de l’Ecole des Beaux Arts pour sa présence ce matin.
Le métier à métisser est en marche !
Et mon mot de la fin ira pour Manon. « Le bonheur c’est toujours le mot de la fin » disait Delteil !
Manon Andreu, future étudiante de l’École des Beaux Arts de Nancy, enfant de Villar, petite-fille de berger et fille d’agriculteurs. Manon a trouvé dans la classe prépa de l’EBA de Carcassonne Agglo (qui appartient à l’ensemble des services publics de la culture que j’ai l’honneur de gérer en autant que VP de Carcassonne Agglo), un tremplin royal qui va lui permettre de vivre sa passion et sa vocation.
Cet été Manon, via un contrat civique, animera l’exposition et vous y accueillira tous les jours. Manon a su établir des passerelles pour que les enfants du centre de loisirs et de l’accueil de loisirs Adolescents du Val de Dagne confrontent leur regard, pour la première fois pour certains, à des œuvres magistrales, et ce dans un environnement qui leur est familier.
Elle est pas belle la Vie !
« Nous venons de l’avenir » a dit le grand poète syrien Adonis. Nous le prenons au mot !
Que les artistes soient notre conscience et que les enfants et les jeunes soient la motivation puissante de notre ardent désir de forêt, pressés que nous sommes comme le jeune et génial poète de retrouver « le lieu et la formule » !
Je vous remercie.
Magali

Brochette d’élus
Une autre brochette
U presidentu et madame le Maire
Le secrétaire
Le trésorier
Manon gardienne de l’expo
Le pilier de la guinguette
Bénevoles de Vill’arts


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